Apprendre de Léonard – Partie 3. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, les écoles du Pôle Léonard de Vinci reviennent sur les traces du génie pluridisciplinaire dont l’influence est encore ressentie aujourd’hui. Suite de la série « Apprendre de Léonard » avec Fernanda Arreola, auteure et responsable des programmes entrepreneuriaux à l’EMLV.
À l’âge de 20 ans, Léonard de Vinci travaillait comme assistant de cuisine au restaurant Le Tre Lumache en Italie, dont la spécialité étaient les escargots. Un jour, une intoxication alimentaire eu raison de la majorité du personnel du restaurant qui décéda. De Vinci se retrouva alors en charge de la cuisine et du menu. Fatigué de voir le manque d’originalité des assiettes, Léonard conçoit un nouveau menu avec une offre plus légère et plus élégante. Son idée fut un énorme échec ! En fait, il avait négligé le fait que les visiteurs de la trattoria voulaient juste un grand plateau composé d’énormes portions de nourriture et bien sur d’escargots !
Du mythe à l’homme : les nombreux échecs de Léonard
L’histoire du menu raté est l’une des nombreuses anecdotes et peut-être même une caractéristique de Léonard de Vinci. En fait, bien que nous nous souvenons de Léonard comme un grand artiste et inventeur, ceux qui ont étudié sa vie s’accordent sur deux choses ; un, il n’était pas très prolifique et deux, beaucoup de ses projets ont échoué.
Pour donner une idée du manque de « virtuosité » de Léonard, nous pouvons comparer la production artistique de Van Gogh (plus de 2 000 œuvres d’art) au fait que la Mona Lisa, a pris à Léonard 5 ans de son existence avant de voir la lumière du jour !
De nombreux historiens s’accordent pour dire que Léonard était en réalité un grand procrastinateur. Cependant, la manière dont la société construit les mythes nous a probablement empêché de voir en Léonard un véritable être humain avec ses failles. Cette aura nous empêche de déceler dans l’un de ses défauts LA qualité qui l’a aidé à devenir un grand artiste et entrepreneur : sa capacité à échouer.
Accepter l’échec a fait de Léonard quelqu’un de très ouvert à l’innovation. En fin de compte, accepter que ses idées puissent mal tourner, a été le tout premier précepte pour tenter de les exécuter. En comprenant que perdre ou ne pas atteindre un objectif était une option, Léonard s’est ouvert à la création, à la conception et à l’exploration.
Etudiants, préparez-vous pour apprendre à échouer !
Dans une étude classique sur l’échec au sein d’organisations, Mark Cannon & Amy Edmonson expliquent pourquoi nous devons, pour prospérer, apprendre à échouer. En utilisant leurs recommandations sur la façon dont nous devons « échouer » nous pouvons illustrer à l’aide de quelques exemples de la vie de Léonard, comment il a parfaitement maitrisé l’art de rater !
La première fausse idée à propos de l’échec est simplement que nous ne devons pas nous attendre à un échec. Mais le point de vue de De Vinci sur le sujet était simple : « Qui ne doute pas acquiert peu » Léonard de Vinci.
Alors que nous pensons à lui comme un génie qui n’avait aucun doute sur le fait que ses idées seraient couronnées de succès, la réalité est qu’à maintes reprises, Léonard n’était pas du tout bien préparé pour réussir ses projets. Un exemple clé est la sculpture qui lui a été commandée par le duc de Milan : Léonard a totalement sous-estimé la complexité du projet et à un moment donné, il est devenu évident qu’il ne s’en sortirai pas ! Heureusement pour lui, la demande a été annulée à cause de la guerre !
Nous devons échouer « intelligemment »
Léonard a souvent échoué, mais il a choisi ses échecs. Il a choisi d’échouer dans des situations qui ne compromettraient pas son avenir en tant qu’artiste (livrer une œuvre commandée, même s’il le faisait avec du retard) et il s’est accordé la permission d’échouer dans la conception de machines qui ne verraient jamais le jour où qui n’appartenaient à personne.
Les étudiants de l’EMLV disposent en réalité d’un laboratoire parfait pour apprendre à échouer de façon intelligente : l’école. Si choisir de ne pas étudier, ne serait pas une bonne stratégie d’échec, prendre un cours électif sur une matière qui nous est difficile peut être un bon moyen d’échouer, faute d’obtenir une note extraordinaire. Peut-être que cette classe, éloignée de notre intérêt, nous aidera à convaincre un futur employeur ou simplement à avoir une perspective plus créative d’un projet.
Echouer comme apprentissage
Léonard était convaincu que toutes ses trajectoires, ses tentatives, ses tests et ses expériences étaient, même s’il se trompait, un apprentissage. Comme pour l’histoire du restaurant, Léonard était un organisateur d’événements enthousiaste qui a connu de nombreux échecs, dont certains de nature « dramatique ». Le meilleur exemple en est son idée de préparer un banquet pour le mariage de Ludovico Sforza et de Béatrice d’Este, où il a «cuit» des chaises en polenta. S’agissant du « jour le plus important de la vie de quelqu’un », De Vinci a rencontré un énorme problème avec ses chaises produites à base de polenta car des rats les ont mangées avant le mariage ! Mais inutile de le dire, il est retourné dans la cuisine et il s’est remis à cuire !
Echouer comme adaptation et test
Finalement, même si nous le connaissons en tant qu’excellent anatomiste, on sait désormais que Léonard aurait pu changer le cours de l’histoire s’il n’avait réussi à publier qu’une partie de son travail. Mais au lieu de passer du temps à écrire, Léonard a privilégié les opportunités d’analyser des corps humains, de faire des appréciations erronées et d’examiner ses idées pour avancer ses connaissances, en continuant ses expérimentations. S’accordant bien sûr du temps, pour se tromper !
« L’expérience ne trompe jamais, c’est votre jugement seul qui s’égare en se promettant des résultats qui ne découlent pas directement de votre expérimentation » Léonard de Vinci.
Fernanda Arreola, auteure, et responsable des programmes entrepreneuriaux à l’EMLV.
Crédit illustration : Léa Amati