Apprendre de Léonard – Partie 2. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, les écoles du Pôle Léonard de Vinci reviennent sur les traces du génie pluridisciplinaire dont l’influence est encore ressentie aujourd’hui. Suite de la série « Apprendre de Léonard » avec Bastien Nivet, Enseignant-chercheur, responsable de la troisième année internationale PGE à l’EMLV.
L’héritage artistique de Léonard de Vinci a récemment été l’objet de tensions franco-italiennes autour de la diffusion de ses œuvres. Un paradoxe pour le génie décédé il y a cinq-cents ans, dont le parcours et l’héritage sont avant tout européens et universels.
Léonard de Vinci : ni italien, ni français, européen !
Paradoxe des temps européens présents, celui qui avait incarné avant l’heure l’émergence d’une Europe humaniste, interdépendante et transnationale, celle de la renaissance, a fait l’objet de crispations franco-italiennes dans un contexte de désaccords diplomatiques multiples entre les deux pays. C’est sur fond de revendications en nationalité que la polémique a surgit : « Léonard est italien, il est seulement mort en France (…). L’intérêt national ne peut pas arriver en second, les Français ne peuvent pas tout avoir », avait déclaré fin 2018 la nouvelle secrétaire d’Etat italienne à la culture. Enjeu de cette querelle, le prêt par les musées italiens, jugé excessif, d’œuvres de Léonard de Vinci au musée du Louvre en vue d’une grande exposition pour célébrer les 500 ans de sa mort .
Reflet de relations transalpines et de relations entre États européens souvent constituées d’un mélange de proximité et d’agacement mutuels, d’interdépendance et d’intérêts parfois dissonants, cette polémique n’a peut-être pas lieu d’être d’un point de vue historique et géopolitique : Léonard n’était ni italien puisque l’Italie n’existait pas en tant qu’État à la fin du XVème siècle, ni français car il n’a fait qu’effectivement passer les dernières années de sa vie sur les bords de la Loire auprès du roi François 1er. Né à Florence, alors République indépendante à l’instar de Sienne ou de Venise, installé ensuite dans le duché de Milan auprès des Sforza, avant de rejoindre Amboise et le Roi de France, Léonard de Vinci est avant tout un voyageur de son temps, se déplaçant au gré des mécènes prêts à financer son art et ses travaux. Le parcours de Léonard de Vinci est celui d’un européen avant l’heure, s’affranchissant des frontières pour mieux saisir les opportunités de son temps.
Mais l’Europe de Léonard de Vinci était aussi celle des tensions et conflits qui ont longtemps opposé les Européens. Les guerres sur le continent européen ont constitué paradoxalement un vecteur de diffusion des arts et savoirs à l’époque de la renaissance, mais aussi d’inspiration et de recherche artistique et technique. Ainsi le génie florentin avait-t-il imaginé, sans toutefois les mettre en application, de premiers modèles de machines qui serviront aux destructions mutuelles entre Européens dans les guerres du vingtième siècle : son premier véhicule blindé, doté de plusieurs canons pouvant opérer à 360 degrés, préfigurait les chars d’assaut qui feront leur apparition sur le champ de bataille à l’occasion de la première guerre mondiale. Son pistolet à 33 canons préfigurait aussi les mitrailleuses contemporaines. Et les polémiques franco-italiennes au sujet de l’héritage de Léonard de Vinci nous rappellent que l’Europe est encore faite de lignes de clivages et de fractures qui ne demandent qu’à se rouvrir, ne serait-ce que symboliquement et temporairement.
Apprendre de Léonard de Vinci de Vinci l’Européen : l’international comme culture, l’Europe et le monde comme horizon
Le parcours de Léonard de Vinci est le reflet d’une époque – la Renaissance -, de diffusion, de partage et de propagation du progrès, des arts et techniques d’un duché et d’un royaume à l’autre. Période de renouveau de la philosophie, des arts et des sciences, la renaissance marque aussi l’essor de l’humanisme, des grandes découvertes et de l’expansion européenne à travers le monde. Au-delà de sa trajectoire transnationale personnelle, l’un des héritages de Léonard de Vinci et de son époque qui est encore aujourd’hui au cœur du projet européen réside bien dans l’intérêt collectif qu’il existe à faire circuler les savoirs à travers les frontières, à diffuser les techniques et favoriser les apprentissages dans une perspective transnationale, à concevoir l’ouverture au monde et à l’autre comme une opportunité. Symboliquement, le programme Européen de soutien à l’insertion professionnelle par des stages dans l’Union européenne (lycéens en formation professionnelle, demandeurs d’emplois, jeunes travailleurs, etc.), initié par la Commission européenne en 1995, avait été baptisé Léonardo da Vinci.
S’intégrant dans un mouvement européen et mondial, de nombreux établissement d’enseignement supérieurs français ont fait de l’internationalisation de leurs cursus, de leur corps enseignant, de leurs populations étudiantes et du parcours de leurs étudiants français, l’une de leurs priorités. Ainsi le Pôle Léonard de Vinci accueille aujourd’hui au sein de ses trois écoles vingt-cinq enseignants-chercheurs permanents de nationalité étrangère. Il a accueilli temporairement trente-six professeurs étrangers lors de l’édition 2019 de sa traditionnelle semaine internationale. Du côté des étudiants, les trois écoles du Groupe prévoient de recevoir et de former près de trois-cents étudiants étrangers au cours de l’année académique 2019-2020 dans ses différents programmes, et d’envoyer huit-cents étudiants à l’international. Cette ouverture internationale, prolongée par des enseignements sur les enjeux européens, géopolitiques, et les dimensions internationales et interculturelles du management et de la gestion, perpétue ainsi le souci de la transversalité et de l’internationalisation des parcours et savoirs.
Par-delà les héritages artistiques, techniques et scientifiques, le souvenir de Léonard de Vinci nous invite aussi à ne pas oublier que si les relations européennes – et internationales – sont parfois faites de querelles et de tensions, nos héritages communs, notre interdépendance et les leçons de l’histoire nous incitent à les surmonter. Et que l’humanité à beaucoup à gagner dans la circulation des hommes, des idées, des savoirs et des techniques…
Bastien Nivet – Enseignant-chercheur, Responsable de la troisième année internationale PGE de l’EMLV Paris La Défense
Illustration : Léa Amati
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