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ChatGPT va-t-il disrupter l’enseignement supérieur ? Une tribune par Sébastien Tran, directeur de l’EMLV

Dans sa tribune publiée sur le site Management & Datascience, Sébastien Tran explore les implications de ChatGPT dans l’éducation supérieure.

Quel est l’impact de cette intelligence artificielle sur l’enseignement supérieur ? Est-il en passe de révolutionner complètement notre façon d’apprendre et d’enseigner ? Dans cette tribune, nous explorerons les implications de ChatGPT dans l’éducation supérieure.

Que vous soyez étudiant, enseignant ou simplement curieux, cet article vous plongera dans un univers où l’intelligence artificielle et l’apprentissage humain se rencontrent.

ChatGPT, un sujet d’actualité ultra-présent

C’est le sujet d’actualité ultra-présent sur tous les réseaux sociaux et dans la presse : ChatGPT. Si on analyse avec l’outil Google Trends la recherche sur le moteur de recherche de « ChatGPT » dans le monde, les résultats sont impressionnants.

En effet, d’un point de vue méthodologie, l’outil Google Trends précise que « Les résultats reflètent la proportion de recherches portant sur un mot clé donné dans une région et pour une période spécifique, par rapport à la région où le taux d’utilisation de ce mot clé est le plus élevé (valeur de 100).

Ainsi, une valeur de 50 signifie que le mot clé a été utilisé moitié moins souvent dans la région concernée, et une valeur de 0 signifie que les données pour ce mot clé sont insuffisantes ».

Cet outil conversationnel basé sur une IA capable de générer du contenu écrit de qualité est très présent aussi dans les médias, car il fascine autant qu’il effraie et qu’il suscite de polémiques (massification des plagiats, détournements à des fins malveillantes, sécurité et confidentialité des données, etc.).

Ce phénomène est planétaire si on regarde les données par pays et est accentué par l’hypercroissance du nombre d’utilisateurs de l’outil. En effet, en à peine 2 mois, ChatGPT a battu le record de la croissance la plus rapide du nombre d’utilisateurs avec 100 millions d’utilisateurs, et comptait environ 12 millions d’utilisateurs actifs par jour en janvier 2023.

Il faudra voir si le phénomène perdure et n’est pas un énième effet de mode de la Tech, mais il est évident que l’outil fascine autant qu’il fait peur, notamment par le fait qu’il alimente aussi le spectre de la destruction d’emplois.

Le mythe de la fin de l’enseignant : la pédagogie repose encore sur des interactions sociales

L’une des forces de ChatGPT est que ses usages sont multiples (correction de codes, résumé d’articles, synthèse sur un sujet, etc.) et que l’outil est en capacité de donner « clé en main » une réponse à une requête dans un format intelligible, diffusable et modifiable. Quinio et Bidan s’interrogeaient d’ailleurs dans leur article paru en janvier 2023 « Un robot conversationnel peut-il enseigner ? ».

La question est essentielle, mais pas nouvelle, puisqu’à chaque nouvelle innovation permettant l’accès à des savoirs et des connaissances de manière très étendue (le moteur de recherche de Google, Wikipédia, ResearchGate, etc.), se pose la question du statut de l’enseignant et de son rôle dans l’apprentissage.

Cela est renforcé dans l’enseignement supérieur puisque l’on considère que les étudiants ont un stade de maturité et d’autonomie dans leur apprentissage.

Or, il y a bien longtemps que les enseignants ont délaissé le rôle du « sachant » et qu’ils se sont concentrés dans un rôle d’accompagnement des étudiants dans l’accès à la connaissance. Cette posture n’est plus tenable depuis de nombreuses années compte tenu de l’évolution du profil et des attentes des étudiants.

L’idée est plutôt d’apprendre aux étudiants à utiliser les différentes sources d’information tout en développant un esprit critique. Les enseignants doivent donc s’emparer du sujet de ChatGPT (mais pas que de cette innovation, car il existe d’autres outils) pour mettre les étudiants dans une posture critique vis-à-vis des résultats produits (sources des données, principes de l’algorithme, originalité du texte, périodicité des données, etc.) (Quinio et Bidan, 2023).

Par ailleurs, et la crise du Covid a été un révélateur grandeur nature, les étudiants, bien qu’étant de plus en plus habitués aux cours en ligne, que cela soit en mode synchrone ou asynchrone, sont toujours friands et demandeurs de cours en présentiel.

D’une part, car être étudiant, c’est aussi se construire en tant que personne au fur et à mesure d’interactions sociales avec les autres étudiants, mais aussi avec les enseignants.

Alors que l’on prédisait il y a quelques mois la fin des campus, ces derniers n’ont jamais été autant au cœur des investissements des établissements d’enseignement supérieur (Tran, 2021). Les écoles de commerce par exemple investissement plusieurs dizaines de millions d’Euros dans des campus modernes, connectés et écoresponsables.

L’étudiant reste donc un « animal social » qui cherche à échanger avec ses pairs, sans compter que la vie en dehors des cours est parfois aussi très importante pour ces derniers (associations, sport, soirées, etc.).

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D’autre part, les enseignants travaillent désormais beaucoup plus sur l’acquisition des compétences avec une variété de modalités d’apprentissage de plus en plus en forte (jeu de rôle, simulation, étude de cas, etc.).

Ces modalités d’apprentissages reposent de plus en plus souvent sur des travaux de groupe, des échanges entre les étudiants, du brainstorming, l’utilisation de méthodes agiles, de challenges, etc. et peuvent aussi intégrer des aspects virtuels comme les serious games ou le blended learning (Michel et al., 2009).

La production de connaissance est ainsi déjà externalisée en partie dans de nombreux cours, comme en témoigne par exemple la pénétration d’outils comme LinkedIn Learning dans l’enseignement supérieur. La valeur ajoutée de l’enseignant repose déjà depuis quelques années sur l’agrégation de différentes sources d’information complémentaires entre-elles, leur analyse et leur traduction en compétences.

Le plus important n’est-il pas d’apprendre à poser la bonne question ?

Beaucoup d’articles dans les médias se sont concentrés sur la pertinence et la qualité des réponses fournies par ChatGPT. Pour autant, les réponses dépendent aussi de la manière dont sont formulées les questions.

J’ai toujours démarré mes cours par dire aux étudiants que le plus important est leur capacité à « poser les bonnes questions » car ils trouveront toujours la solution ou la réponse grâce aux outils dont nous disposons depuis plusieurs années ou auprès de personnes compétentes facilement identifiables sur les réseaux ou dans leur entourage.

Sous cette simple déduction, se cache une multitude de compétences nécessaires pour les utilisateurs (définir le destinataire de la réponse et leur degré de compréhension ou d’interprétation de la réponse, la nature des termes utilisés dans la requête, l’utilisation de références existantes et leur caractère scientifique, etc.).

À ce titre, on peut citer les recommandations d’Alain Goudey pour utiliser ChatGPT car il est aussi nécessaire de réfléchir au niveau de précision de la requête et ne pas hésiter à faire des itérations par rapport aux réponses apportées.

Le véritable enjeu est de définir la posture et les objectifs d’apprentissage, sachant que cela dépend aussi de la nature des enseignements et du profil des étudiants.

Par exemple, plusieurs recherches ont montré que la classe inversée peut avoir un impact positif sur la réussite scolaire, mais que cela se vérifie surtout lorsque les étudiants sont face à des questions ouvertes ou de la résolution de problèmes, moins dans le cas d’apprentissage basé sur des contenus d’ordre conceptuel (Guilbault et Viau-Guay, 2017).

Il est de même pour ChatGPT qui peut être utilisé dans certaines modalités d’apprentissage qui restent à définir par les enseignants et avec des objectifs pédagogiques clairement identifiés (développer l’esprit critique, la recherche d’information dans un contexte défini, etc.).

Cela peut également être dans le sujet délicat de l’évaluation de la production des étudiants en mettant en place des dispositions qui portent sur la manière dont les étudiants ont collecté, cité, analysé et synthétisé l’information, qu’elle vienne de ChatGPT ou d’autres sources de données disponibles.

L’un des sujets les plus importants et qui a pris de l’ampleur bien avant l’arrivée de ChatGPT est ce qui relève de la production originale des étudiants et de différentes sources qu’il est nécessaire de savoir citer.

Même si des outils commencent à apparaitre pour détecter si le texte provient de ChatGPT tel que AI Text Classifier, encore faut-il que les étudiants réalisent qu’ils sont en train de plagier des sources d’information, sachant qu’aucun outil technologique de détection ne sera parfait (AI Text Classifier fonctionne mieux lorsque le texte est court et en anglais par exemple).

Conclusion

ChatGPT n’est pas la première ni la dernière innovation qui impacte le secteur de l’éducation. Il est clair que certains médias cherchent de l’audience avec quelques titres racoleurs, mais il serait bien de se rappeler les leçons de l’histoire et de la formidable capacité des enseignants à s’adapter et à intégrer ces innovations dans leurs cours.

Cela pourrait se résumer par cet article dans la revue MIT Technology Review, « ChatGPT is going to change education, not destroy it ».

Cette innovation est aussi et surtout une formidable opportunité de développer le sens critique des étudiants dans un monde numérique où les fakenews pullulent sur les réseaux sociaux.

Le véritable enjeu de ces nouvelles technologies est de former de futurs citoyens éclairés afin d’éviter, par exemple, que selon une enquête de l’Ifop auprès des 11-24 ans, un jeune français sur six pense que la terre est plate…

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