Une tribune de Najoua Elommal-Manita, enseignant-chercheur et professeur de Marketing à l’EMLV, coécrite avec Patricia Baudier, enseignant-chercheur à l’Ecole de Management de Normandie. Tribune initialement publiée sur The Conversation.
Les audits s’appuieront sur des séries de données de plus en plus exhaustives.
Les nouvelles technologies numériques viennent bouleverser l’organisation des entreprises, les amenant à faire évoluer leurs processus internes et à repenser leurs métiers. C’est notamment le cas des cabinets d’audit qui doivent faire face à l’arrivée sur le marché de spécialistes du digital et de l’analyse des big data qui pourraient venir, à terme, les concurrencer.
Les cabinets doivent donc aujourd’hui faire évoluer leur offre d’audit en proposant des solutions à la pointe de la technologie. Ils doivent automatiser leurs processus internes et faire évoluer leurs systèmes d’information (application RH, fiches d’imputation, coffre-fort, etc.), ce qui va, in fine, transformer le métier de l’audit en le réorientant vers des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Une plus grande valeur ajoutée
La transformation numérique est porteuse d’une double opportunité pour les cabinets : un gain de temps et un traitement plus exhaustif de la donnée.
D’abord, l’utilisation de nouveaux outils et de processus digitalisés pour des tâches répétitives à faible valeur ajoutée permet à l’auditeur de se concentrer sur d’autres tâches à plus forte valeur ajoutée pour le client, comme l’analyse des anomalies et des zones à risques, tout en réalisant des économies sur le budget de la mission.
Autre source de valeur ajoutée : le passage d’un audit par sondage à un audit portant sur l’exhaustivité des données, grâce aux outils de data analytics. La documentation du dossier de l’auditeur s’en trouve améliorée, d’autant plus que ce procédé permet une véritable traçabilité du processus avec la possibilité de réeffectuer le contrôle ultérieurement.
Bien entendu, les technologies ne remplaceront pas le jugement de l’auditeur, mais l’assisteront plutôt dans la prise de décision en proposant des solutions possibles que le logiciel a appris des pratiques et expériences passées (Machine Learning).
Les systèmes informatiques cognitifs sont en outre appelés à devenir plus efficaces, capables d’anticiper de mieux en mieux les problèmes et de modéliser de nouvelles solutions, à mesure qu’ils acquièrent une connaissance des pratiques passées. À terme, la technologie permettra une surveillance continue des systèmes du client, une résolution des erreurs ou des anomalies en temps réel et par conséquent l’évolution de l’offre d’audit.
Développement de nouveaux services
L’audit est souvent perçu par les actionnaires et les dirigeants comme un coût nécessaire et obligatoire qui n’apporte que peu ou pas de valeur à l’entreprise. Afin d’accroître la pertinence de l’audit, il est nécessaire d’ajouter de la valeur aux clients. Or, les nouveaux outils numériques offrent justement la possibilité d’améliorer la pertinence de l’audit en proposant aux clients de nouveaux services à forte valeur ajoutée.
Grâce aux data analytics, l’auditeur peut par exemple faire des recommandations et proposer des benchmarks (observation des pratiques des autres acteurs du marché) avec des indicateurs et des statistiques. Faire parler les chiffres et expliquer aux clients les différentes étapes par lesquelles sont passées les données à travers les processus internes, constitue en effet une source de valeur pour le client.
En outre, l’identification grâce à l’analytics et aux autres outils d’analyse de données (machine learning, data transformation, data visualisation, robotique…), de transactions inhabituelles ou des opérations atypiques, permettrait aux clients d’améliorer leurs processus et les perfectionner.
Plus ces outils seront maîtrisés, plus les auditeurs seront à même de faire évoluer l’offre vers une composante prédictive. Les cabinets seront ainsi sollicités pour assister les clients à faire émerger des informations prévisionnelles et pour valider les estimations et prévisions qu’ils ont accomplies. Dans le cadre d’un audit, fournir des données prospectives en plus des données historiques améliorera la confiance du marché.
Par ailleurs, avec les nouvelles technologies digitales l’auditeur peut collecter de nouvelles données, par le passé non exploités, issues des médias sociaux, de la télévision ou d’Internet et déterminer si ces informations ont un impact sur l’audit. Tous ces éléments offrent aux cabinets d’audit la possibilité de faire évoluer leur offre d’audit et de la rendre plus pertinente.
Un nouveau profil d’auditeur
Les technologies numériques auront un impact important sur le futur profil d’auditeur et créeront une culture de l’innovation pour tous les secteurs d’activité des cabinets d’audit.
Outre la gestion des connaissances, le futur auditeur devra se sentir à l’aise avec les outils numériques et développer par conséquent de nouvelles compétences liées à :
- La compréhension rapide de la manière dont les données du client sont conçues et générées ;
- L’extraction et l’analyse des données ;
- La conception d’outils de contrôle et d’interprétation des données.
La profession de l’audit a donc besoin de nouveaux talents, maîtrisant l’analyse et le traitement des données, pouvant développer de nouveaux outils d’audit et apporter une valeur ajoutée aux clients. L’audit était auparavant perçu comme un travail répétitif, très exigeant, qui nécessitait de nombreuses heures de travail, expliquant l’important turnover dans le secteur. Avec l’introduction de nouvelles technologies (cloud, analytique, robotique, etc.), les cabinets ont l’opportunité d’améliorer leur attractivité en proposant de nouvelles fonctions, à forte valeur ajoutée, à leurs futurs auditeurs.
Au-delà des compétences techniques numériques, l’auditeur de demain devra posséder des compétences en matière de pensée critique, d’innovation et de créativité. Ces compétences sont nécessaires pour améliorer en permanence le suivi et l’analyse des données et par conséquent développer la qualité de l’audit.
Plus largement, l’évolution des cabinets d’audit dépend aujourd’hui plus que jamais de l’instauration d’une culture de l’innovation, à tous les niveaux et dans tous les métiers, pour développer en permanence leurs offres et de s’adapter aux nouveaux besoins du marché.
Cependant, comme l’audit demeure une activité réglementée, il est primordial que le normalisateur et les régulateurs suivent le mouvement en faisant évoluer les normes d’audit vers une meilleure intégration des nouvelles technologies.
Cette tribune a été publiée initialement sur The Conversation. En savoir plus sur le digital marketing et data analytics