La semaine du 3 au 9 février a été placée sous le signe des journées mondiales sans téléphone portable. Dans une tribune initialement publiée sur le site « The Conversation » par Sébastien Tran, directeur de l’EMLV, met en relief les méfaits de l’hyperconnexion pour l’enseignement et les solutions envisagées au niveau du Pôle Léonard de Vinci pour contrer ce phénomène.
« Hyperconnexion et transparence numérique : quelles solutions alternatives pour 2030 ? », c’est, d’ailleurs, l’intitulé de la semaine transversale Hackathon, qui se tiendra du 17 au 21 février au Pôle Léonard de Vinci.
Le digital dans les salles de classe : l’inquiétude des enseignants
À une époque où le digital infiltre le quotidien et les salles de classe, les chercheurs s’interrogent, voire même s’inquiètent, de cette place grandissante dans le monde de l’enseignement. D’ailleurs, quel enseignant n’a pas déjà surpris des étudiants en train de faire sur leur ordinateur des activités n’ayant aucun lien avec le cours ?
Au-delà de l’intérêt ou du désintérêt pour une matière, ces attitudes posent aussi la question des menaces sur les capacités de concentration des jeunes. Retour sur ces inquiétudes et sur quelques-unes des pistes qui se dessinent pour contrer ce phénomène.
Menaces sur l’attention
Au-delà des alertes sur l’impact négatif des écrans sur le développement des enfants, soulevés notamment par l’ouvrage de Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, des chercheurs se sont penchés plus spécifiquement sur l’irruption du numérique dans les écoles et universités.
Doctorante à l’université Clermont-Auvergne, Juliette Robert s’est par exemple intéressée à la déconcentration engendrée par ordinateurs et téléphones pendant les cours. Plutôt que les documents pédagogiques qui accompagnent les séances, les étudiants auraient tendance à favoriser des activités de divertissement, notamment sur les réseaux sociaux.
Quasiment tous les enseignants sont confrontés au phubbing, ce syndrome de consultation quasi addictif de son smartphone y compris lors d’interactions sociales.
Le débat sur l’utilisation des ordinateurs en salle de cours n’est pas nouveau mais il a pris une ampleur considérable avec la génération dite « digital native ». Ce constat est partagé également dans l’ouvrage de Bruno Patino, la civilisation du poisson rouge, qui indique que les chercheurs de Google ont montré que la durée d’attention de la génération des millennials n’excède pas 9 secondes, soit une seconde de plus que le poisson rouge.
Les écrans ont ainsi détourné l’attention des étudiants de l’enseignant et ont grandement fragilisé le rôle de ce dernier dans l’apprentissage, ce dernier devant même parfois se justifier des connaissances diffusées face au moteur de recherche Google…
Bien entendu, les conséquences de l’utilisation des smartphones sont liées d’abord à son usage comme le souligne François Taddéi. Ceci dit, plusieurs recherches en sciences de l’éducation convergent vers le fait que des étudiants qui prennent des notes manuscrites ont de meilleurs résultats scolaires que ceux qui en prennent avec leur ordinateur.
Repenser les cours
Devant ce constat et cette problématique d’attention partagée unanimement au sein des établissements, des alternatives et quelques expérimentations ouvrent des pistes qui tendent à se généraliser dans plusieurs institutions. D’abord, on peut retravailler le rythme et l’interactivité des cursus.
C’est ce que nous avons fait au sein du pôle Léonard de Vinci en misant sur la classe inversée – ce dispositif qui consiste à demander un travail préparatoire plus important hors de la salle de classe pour favoriser des modalités de contrôle des connaissances et des échanges plus interactifs en cours.
L’expérimentation peut même être poussée jusqu’à ce que ce soit le matériau créé par les étudiants qui constituent le support de cours avec des outils comme des wikis, voire même à ce que les étudiants choisissent les connaissances les plus appropriées pour co-construire le cours avec l’enseignant pour illustrer le concept de classe renversée.
Les enseignants dans les modules de marketing de première année ont également retravaillé le format de leurs cours en modifiant le rythme et en variant les supports (utilisation de vidéos, quiz en ligne, sondage pendant le cours pour avoir l’opinion des étudiants, etc.) tout en y associant des principes de gamification.
Responsabiliser les étudiants
Enfin, dans d’autres établissements, certains enseignants ont même été jusqu’à proscrire l’utilisation des ordinateurs et smartphones dans la salle de classe. Cela nécessite une explication au départ avec les étudiants du contrat moral et un certain talent pour capter leur attention durant toute la durée de la séance, mais certains étudiants reconnaissent volontiers les bénéfices d’apprendre sans avoir les yeux rivés sur des écrans.
Ce travail de pédagogie est important aussi pour développer une réelle prise de conscience du pouvoir des écrans sur l’apprentissage auprès des étudiants. Au sein du pôle Léonard de Vinci, les étudiants de première année ont ainsi pu suivre des formations conçues par des chercheurs en neurosciences pour les sensibiliser aux dangers des écrans et sur la manière d’utiliser les ordinateurs et smartphones dans l’apprentissage des connaissances avec des techniques simples mais efficaces.
Cette thématique sera également traitée lors d’un hackathon pour les étudiants de quatrième année : « hyperconnexion et transparence numérique : quelles solutions alternatives pour 2030 ? »
Au-delà de la sensibilisation des étudiants aux problèmes de surcharge mentale et d’économie de l’attention, l’idée est de les rendre acteurs eux-mêmes de solutions créatives et originales pour faire face à cette problématique de l’attention qui se retrouve aussi de plus en plus dans le monde de l’entreprise.
Face aux dérives des pratiques numériques des étudiants, la bataille n’est pas perdue à l’EMLV, et au Pôle Léonard de Vinci. Pendant toute une semaine en mode hackathon, les étudiants de l’EMLV, de l’ESILV et de l’IIM vont réfléchir au poids des GAFAM dans nos sociétés numériques et vont proposer des solutions alternatives innovantes pour limiter les risques liés à l’hyperconnexion et l’hyper-transparence.