Selon toute apparence, l’investissement socialement responsable séduit de plus en plus en Europe. Cependant, de nombreuses critiques inspirées par la théorie de l’arbitrage ou les controverses liées à la soutenabilité des modèles de protection sociale s’attellent à affaiblir la confiance des entreprises dans l’apport des parties prenantes et l’importance des notes environnementales et sociales. Jonathan Peillex, enseignant-chercheur en Finance et Management, décortique les clés de la réussite des entreprises socialement responsables. Tribune originalement publiée sur The Conversation.
La performance sociale et environnementale des entreprises améliore-t-elle leur rentabilité économique ? Une pléthore de travaux empiriques s’est attelée à investiguer cette question en mobilisant des données d’entreprises américaines. Dans le cadre d’un travail de recherche publié récemment dans la revue « Recherches en Sciences de Gestion », nous avons revisité cette question du « does it pay to be good ? » (est-ce payant d’être vertueux ?) dans le contexte européen.
Un engouement croissant
La Responsabilité sociale des entreprises (RSE), que l’on peut définir comme l’ensemble des actions qui favorisent la promotion du bien social et environnemental au-delà de ce qui est imposé par la loi, est une source de préoccupations croissante pour les entreprises.
À ce titre, d’après une étude récente publiée par le cabinet de conseil EPG, les entreprises qui appartiennent au prestigieux classement « Fortune Global 500 » auraient dédié, en moyenne, 20 milliards de dollars par an à l’exercice de la RSE entre 2011 à 2013.
Les investisseurs, notamment européens, semblent, eux aussi, accorder une attention croissante aux activités sociales et environnementales des entreprises. À titre d’exemple, les jours suivant l’éclatement du récent scandale environnemental « Volkswagen » (aussi appelé « dieselgate ») auraient fait perdre 30 % de la capitalisation boursière du géant automobile européen.
Dans le même sens, l’investissement socialement responsable séduit de plus en plus d’investisseurs européens. En effet, 10 à 20 % des actifs sous gestion en Europe, soit plus de 5 000 milliards d’euros seraient gérés selon des critères socialement responsables.).
Les efforts récompensés
À l’instar de la majorité des études portant sur marché américain, les analyses économétriques que nous avons menées témoignent effectivement de l’existence d’une relation positive et statistiquement significative entre les notes environnementales et sociales des entreprises européennes et leur performance économique.
Il semble en effet que la satisfaction des attentes des porteurs d’enjeux de l’entreprise lui permette d’améliorer sa réputation, sa capacité à fidéliser ses employés, et à attirer les ressources humaines les plus précieuses et de maintenir une relation satisfaisante avec la communauté, ce qui se traduit favorablement en termes de performance économique.
Deux visions opposées
Nos résultats semblent donc valider la théorie des parties prenantes, selon laquelle la satisfaction des attentes des porteurs d’enjeux de l’entreprise tels que les consommateurs, les employés, les fournisseurs et les actionnaires devrait conduire, in fine, à une amélioration de la rentabilité des entreprises.
Accorder une attention aux préoccupations de ces parties prenantes pourrait en effet offrir la possibilité d’améliorer la réputation de l’entreprise, fidéliser ses employés, attirer les ressources humaines les plus précieuses et maintenir une relation satisfaisante avec la communauté, ce qui devrait améliorer sa performance économique. Aussi, réaliser des efforts sur le plan écologique et social devrait réduire le risque de litige entre l’entreprise et l’État, mais également entre l’entreprise et ses employés.
Par ailleurs, une performance environnementale et sociale satisfaisante devrait réduire la probabilité pour que l’entreprise subisse une crise sociale et/ou écologique qui affecterait significativement ses flux de trésorerie. Quant à la non-satisfaction des attentes des parties prenantes, elle devrait conduire à détériorer la réputation de l’entreprise, à engendrer des tensions, et à terme, à accroître la prime de risque, ce qui devrait se traduire par une élévation de ses coûts.
À l’inverse, les analyses que nous avons menées invalideraient la théorie de l’arbitrage, selon laquelle la performance environnementale et sociale devrait être liée négativement à la performance économique. Cette théorie trouve son origine dans la conception libérale de l’organisation proposée par l’économiste américain Milton Friedman selon lequel : « l’unique responsabilité de l’entreprise est de maximiser la richesse des actionnaires ».
Ainsi, les ressources de l’entreprise étant limitées, les activités sociétales et environnementales seraient réalisées au détriment d’autres investissements plus rentables pour l’entreprise. La recherche d’une amélioration de la performance environnementale et sociale générerait des coûts supplémentaires qui pourraient créer, à terme, un désavantage compétitif et une détérioration de la rentabilité. Or, ces éléments ne ressortent pas de nos analyses.
Les dirigeants des entreprises européennes auraient donc tout intérêt à engager des efforts en matière de RSE afin d’améliorer leurs bénéfices.
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