Apprendre de Léonard – Partie 1. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, les écoles du Pôle Léonard de Vinci reviennent sur les traces du génie pluridisciplinaire dont l’influence est encore ressentie aujourd’hui. Démarrage de la série « Apprendre de Léonard » avec Sébastien Tran, Directeur de l’EMLV.
Léonard de Vinci (1452-1519) est devenu une figure emblématique de la période de la Renaissance et continue de marquer les époques. Cité souvent comme une référence pour ses capacités à conjuguer les savoirs de différentes disciplines (architecture, philosophie, sciences, ingénierie, musique, poésie, peinture, etc.), il est sans nul doute la meilleure illustration de l’importance d’établir des passerelles entre des domaines qui peuvent paraître parfois éloignés les uns des autres. On cite souvent d’ailleurs sa création l’homme de Vitruve comme le symbole même de sa capacité à associer les sciences et les arts.
Cette « transversalité » se reflète également dans l’ADN du Pôle Léonard de Vinci qui a construit un modèle pédagogique original et différenciant en France avec 3 écoles (une école d’ingénieurs, l’ESILV, une école de management, l’EMLV et une école du digital, l’IIM) : la logique d’apprentissage est basée sur le principe que chaque étudiant de chacune des écoles accède à des connaissances et acquiert des compétences issues des 3 écoles tout au long de parcours pédagogique (cours en commun, électifs spécialisés, hackathons avec les étudiants des 3 écoles, vie associative commune aux 3 écoles, doubles-diplômes entre les écoles du Pôle, etc.).
Revenons aux fondamentaux : qu’est-ce que la transversalité ? quelle est la finalité ?
La transversalité est un concept apparu dans le domaine des mathématiques, notamment en algèbre linéaire et géométrie différentielle, désignant un qualificatif pour l’intersection de sous espaces ou de sous variétés. On retrouve souvent dans la définition et le sens étymologique de la transversalité une « qualité de ce qui est transversal, de ce qui est perpendiculaire à un autre objet ». A notre époque, cette notion de transversalité est souvent associée à l’interdisciplinarité (et donc à l’association de différentes disciplines dans une logique de résolution de problèmes) et dans le management à une logique de décloisonnement des fonctions au sein des organisations.
Mais pourquoi la transversalité est-elle recherchée, que ce soit par Léonard de Vinci ou les organisations d’aujourd’hui ? Que cela soit au XVème ou au XXIème siècle, la transversalité s’apparente à un principe de résolution de problèmes complexes en se basant sur les connaissances de différentes disciplines, mais aussi en développant l’imagination et la créativité, notamment à partir des arts ou de l’observation de phénomènes naturels. Léonard de Vinci s’est ainsi beaucoup inspiré de la nature (des oiseaux, des mouvements de l’eau, etc.) pour créer de nombreuses inventions à tel point que certains le considère comme le précurseur du biométisme. Il faut néanmoins aussi rappeler le rôle du contexte historique (augmentation du taux d’alphabétisation, développement du commerce, des villes comme centres financiers, etc.) d’autant que cette période de l’histoire est également propice aux échanges entre des penseurs aux multiples talents (il existe de nombreuses autres figures emblématiques de cette interdisciplinarité durant la période de la Renaissance tels que Filippo Bruneschelli, connu comme le concepteur du dôme de la cathédrale de Florence ou Leon Battista Alberti également connu comme architecte, écrivain, ingénieur et artiste). C’est aussi l’une des particularités de Léonard de Vinci qui considère déjà à son époque que les idées et les solutions proviennent des collaborations et des échanges avec d’autres personnes de son entourage (des penseurs, mais aussi des amis, des assistants, des collègues, etc.). Il accorde ainsi une grande importance aux lieux permettant des rencontres afin de favoriser les discussions et une forme de sérendipité.
La curiosité dont fait preuve Léonard de Vinci est ainsi nourrie du croisement de nombreuses disciplines, mais également de sa passion pour la raison d’être des choses et des phénomènes naturels. Certains récits historiques soulignent d’ailleurs ce souci de la compréhension et de l’amélioration des choses de la vie. On peut donc conclure à une profonde dimension humaniste dans les réflexions de Léonard de Vinci, un des exemples étant son amour des animaux le poussant à devenir végétarien. Les recherches historiques menées sur la création de l’homme de Vitruve soulignent par exemple que cette œuvre a pour but de faire réfléchir les hommes sur leur identité et leur place dans le grand ordre universel. La notion de progrès social est donc inhérente à celle de transversalité. Elle se reflète dans l’évolution des contenus des programmes au sein du Pôle Léonard de Vinci qui intègrent une vision prospective des prochains grands enjeux pour notre société avec des étudiants qui seront de futurs décideurs (innovations et défis climatiques, droit et éthique d’un « monde de la data », le digital au service des populations défavorisées, etc.).
L’expérimentation, l’analogie et l’observation comme principes de la transversalité
Contrairement à ce que l’on pourrait penser au départ, Léonard de Vinci n’a pas de formation scientifique car il suit une école d’abaque qui repose sur un enseignement élémentaire centré sur les mathématiques appliquées au commerce. Néanmoins, sa curiosité sans limite va le pousser à mettre en œuvre une rigueur scientifique dans le cadre de nombreuses expérimentations afin de comprendre des phénomènes tels que les animaux volants, la couleur du ciel, etc. Léonard de Vinci va ainsi développer tout au long de sa vie des capacités en matière d’analogie fondée sur l’observation lui permettant de faire le lien entre de nombreuses sciences et disciplines de l’époque. Il va également profiter de ses connaissances acquises dans les sciences dans la conception de ses œuvres artistiques, que cela soit dans les domaines de la peinture, de la sculpture ou du théâtre. Certains des tableaux peints par Léonard de Vinci sont ainsi une illustration de ses recherches menées sur l’anatomie humaine ou de son souci de l’harmonie des proportions à partir de ses connaissances en géométrie.
Le dialogue entre l’expérience et la théorie caractérise toutes les créations et inventions de Léonard de Vinci. On peut ainsi noter dans l’histoire de Léonard de Vinci une richesse inégalée de croquis, de notes, de prototypes dans ses notes qui illustrent parfaitement cette logique d’observation, d’expérimentation et de croisement des idées, bien que ses détracteurs soulignent parfois son manque de persévérance pour mettre en œuvre et réaliser ses inventions. Les capacités d’observation de Léonard de Vinci lui permettent ainsi de développer des expériences, à base de dessins ou d’objets physiques, et de déduire ensuite des théories. C’est également ce qui caractérise une école comme l’EMLV où les étudiants sont invités à expérimenter et découvrir de nouveaux domaines comme des langages de programmation informatique, des associations à dominante « technique » (Vinci Eco Drive, etc.) ou le prototypage 3D grâce au FabLab. Ces expérimentations sont ensuite utilisées dans le cadre de certains cours avec une mise en perspective par rapport à des problématiques plus traditionnelles en sciences de gestion.
Sébastien Tran
Directeur de l’EMLV
Illustration : Lea Amati
This post was last modified on 02/05/2019 15:32