Dans un article présenté au Congrès International 2020 de l’Association Française du Marketing, deux enseignantes-chercheuses de l’EMLV se penchent sur les plateformes de rencontre en ligne. Elles proposent une radiographie complète des algorithmes qui font jouer la géolocalisation et l’intelligence artificielle pour aider les utilisateurs à trouver l’amour.
Valérie Rabassa, économiste et enseignante à l’EMLV, et Béatrice Durand-Mégret responsable des masters Marketing Innovation et Distribution et Digital Marketing Strategy, scrutent les applications de rencontre en ligne sous la loupe de la digitalisation et de l’intelligence artificielle.
Le digital s’impose au coeur de l’enseignement, comme dans l’amour
Aujourd’hui, la digitalisation de la société est partout. Les nouvelles technologies nous aident à choisir nos produits et nos services, mais aussi à nous les procurer. Ces derniers temps, l’apprentissage dans les écoles a pu perdurer grâce aux cours en ligne, en particulier à l’EMLV où le digital est un savoir-faire inculqué au quotidien auprès des étudiants, voués à une carrière professionnelle de plus en plus dématérialisée et durant laquelle les algorithmes et autres Intelligences artificielles seront la clé du succès de leur entreprise. Si le digital s’est ainsi imposé dans nos vies, il semble qu’il en soit de même pour notre vie affective.
Au cours de leur première recherche, début d’une longue série, Valérie Rabassa et Béatrice Durand-Mégret ont découvert comment les individus délèguent leur vie affective à des algorithmes recourant à certaines fonctionnalités. Ainsi des applications de rencontre en ligne s’appuient, par exemple, sur les informations du profil des usagers (i.e., préférences, goûts, etc.) alors que d’autres privilégient plus fortement la géolocalisation. Tous donnent cependant moins d’importance aux déclarations des prétendants qu’à leurs activités qui les dévoilent : leurs musiques préférées sur Spotify, les centres d’intérêt au travers d’Instagram ou Facebook, ou, tout simplement, le temps qu’ils restent sur une photo, et le type de celles qu’ils likent le plus souvent. Ainsi, un homme se déclarant préférer les femmes blondes, mais likant essentiellement des photos de brunes, se verra proposer des profils de femmes… brunes.
Géolocalisation à grande échelle pour trouver l’âme-soeur
Au-delà d’une analyse itérative, voire d’une rectification des informations fournies par les usagers ou abonnés, certaines plateformes de rencontre en ligne, comme Happn, s’appuient fortement sur la géolocalisation. L’espace commun étant un signe d’homophilie, les personnes côtoyant les mêmes lieux sont, a priori, plus à même d’avoir des affinités. Aussi, la géolocalisation permet de prendre contact avec une personne que l’on aurait croisée…sans oser l’aborder… le virtuel étant alors une étape intermédiaire entre deux rencontres réelles. En effet, l’application indique à un individu qu’il a rencontré une autre personne abonnée à la même application dans le monde réel. Si les personnes se plaisent mutuellement dans ce monde virtuel au travers de leurs échanges sur l’application, le digital mènera à un rendez-vous dans le monde réel.
Ainsi, les individus délèguent leurs rencontres affectives aux algorithmes. Alors que plus de 40 % des couples se sont rencontrés grâce aux sites et applications de rencontre[1], c’est bien l’affectif – l’un des besoins fondamentaux les plus intimes – qui est facilité par le digital.
À l’heure où certains sociologues s’insurgent contre la géolocalisation anonyme des porteurs du Covid-19 pour la survie de tous, il semblerait que l’inscription de plus de 60 millions de personnes dans le monde et plus de 4 millions en France à Happn, site de rencontre basé sur la géolocalisation, leur ait échappé…
[1] « « Aujourd’hui 40% des gens trouvent leur âme-soeur sur les applis de rencontres », on a reçu le patron d’Happn » [archive], sur Ohmymag, 16 janvier 2019 (consulté le 3 avril 2019)
This post was last modified on 10/06/2020 16:53