Cette contribution de Michel Dalmas et Najoua Elommal, enseignants-chercheurs à l’EMLV et de Riadh Manita est une synthèse de l’article de recherche intitulé « Les déterminants d’accès aux fonctions de gouvernance dans les grands cabinets d’audit » publié dans la revue Management & Avenir N° 105 du mois de novembre 2018.
L’accès au top management (TM) constitue la responsabilité ultime à laquelle peuvent prétendre les jeunes apprentis qui travaillent dans les grands cabinets d’audit (GCA). Ces derniers commencent leur carrière en tant qu’auditeurs juniors mais rares sont ceux qui réussissent à conquérir le sommet de ces organisations.
Les caractéristiques des TM des grands cabinets d’audit sont très différentes de celles des grands groupes cotés. En effet, en plus d’être actionnaires, les TM des grands cabinets sont tous des salariés et des managers ayant des responsabilités opérationnelles ou fonctionnelles dans leurs cabinets. Aussi, le processus de nomination est différent puisqu’ils doivent forcément être élus par leurs pairs en assemblée générale. Nous avons cherché à identifier quelles sont les qualités humaines et professionnelles permettant aux jeunes salariés des grands cabinets d’audit (GCA) d’accéder aux organes de gouvernance. Pour ce faire, nous avons mené une étude qualitative qui a duré environ deux ans auprès de 19 membres des organes de gouvernance de GCA. Nos résultats débouchent sur l’identification de quatre facteurs prédicteurs du succès de carrière.
Les clés du succès peuvent être représentées dans le schéma suivant :
La capacité de l’associé à s’adapter à l’organisation du cabinet en se rendant visible en interne apparaît comme étant le premier critère clé d’accession à la gouvernance. Tout d’abord, l’associé doit travailler sa légitimité, c’est-à-dire faire ses preuves d’un point de vue technique, managérial et commercial. Ceci constitue selon plusieurs répondants un prérequis nécessaire.
Expertise connue et reconnue
Cela suppose qu’il ait développé par lui-même une compétence technique, reconnue par ses pairs, ses collaborateurs et par ses clients. Porter des projets importants pour le cabinet et les réussir, créer une nouvelle activité et la développer, constituent des exemples de réussite facilitant le rayonnement de l’associé en interne, et augmentant sa légitimité.
Le deuxième critère est relatif au réseau interne. L’associé doit en effet développer son propre réseau pour être connu, non seulement au niveau de son pôle d’activité, mais aussi par les associés des autres métiers du cabinet. Ceci est d’autant plus important lorsque l’accession au top mangement est le résultat d’élection ou de nomination par le président. Cela passe par le fait d’assister aux réunions transverses et aux évènements importants et à collaborer à des missions collectives.
Le dernier critère est celui de la communication. L’associé doit avoir des qualités de communication et des capacités d’expression en public, lui permettant de démontrer sa posture et de s’affirmer comme étant un représentant indispensable du cabinet. Ces qualités de communication sont également importantes lors des campagnes électorales, dans la mesure où il sera amené à présenter son projet et à le défendre, devant l’assemblée des associés.
Afin d’être reconnu par ses clients, l’associé doit tout d’abord réussir ses missions, créer une relation de confiance et de proximité avec eux (tout en préservant son indépendance) et leur apporter satisfaction. Il doit aussi acquérir une connaissance du marché et atteindre un niveau d’expertise dans son domaine lui permettant d’être connu et reconnu en tant qu’expert sur son secteur d’activité. Ces éléments lui permettent de développer son réseau externe notamment avec les tops managers des grands groupes cotés et par conséquent d’être au courant des opportunités. Pour développer sa visibilité externe, l’associé doit également développer sa notoriété dans l’écosystème, c’est-à-dire être connu par les instances gouvernementales et les organisations du tissu économique (comme les associations professionnelles, l’académie des entrepreneurs, le Medef, etc.).
Le courage récompensé
Enfin, le succès auprès des différentes parties prenantes de l’associé peut être réalisé à travers la capacité de l’associé d’incarner et de défendre les valeurs de la marque dans un monde d’affaires de plus en plus concurrentiel et complexe. En dépit des enjeux politiques et économiques liés aux différentes missions en relation avec sa fonction, l’associé doit être en capacité d’exercer son métier avec professionnalisme et excellence en respectant les valeurs et les règles éthiques du cabinet (c’est-à-dire l’intégrité, l’indépendance, la transparence, le respect, etc.).
Le leadership, c’est-à-dire la capacité de l’associé à entrainer ses collaborateurs, la prise de risque, le challenge et le sens de l’intérêt général, est également ressorti comme étant crucial. Selon les personnes interrogées, l’associé devrait avoir une personnalité agréable, bienveillante et un contact facile et serein avec ses collaborateurs. Il devrait avoir aussi de l’empathie, être franc et tenter de comprendre les autres.
Le courage apparaît comme une autre caractéristique du leadership. Pour les répondants, un TM doit exprimer ses idées et défendre ses convictions avec courage !
Enfin, il serait également important d’avoir le sens de l’intérêt général du cabinet. Pour se faire, il faudrait montrer son engagement dans les projets transverses et des événements importants et contribuer ainsi au développement et au rayonnement du cabinet.
Éviter les querelles internes
L’analyse des entretiens a permis également d’identifier la capacité d’adaptation aux autres et la capacité à gérer son stress. En effet, pour être élu ou désigné dans un organe de gouvernance, l’associé doit tout d’abord faire preuve de capacité d’adaptation pour différentes situations liées au changement de l’organisation interne. Faire ses preuves dans des situations changeantes, difficiles ou en période de crise par exemple, améliore la visibilité en interne et en externe et augmente ainsi l’indice de confiance et de notoriété du jeune prétendant au trône.
Il est donc nécessaire de travailler sa prise de recul et ne jamais rentrer dans les querelles internes ! Cette qualité va permettre de se distinguer en matière de réflexion stratégique, de communication et d’une certaine forme de sagesse. Ce qui va conduire, peu à peu, à asseoir la légitimité pour accéder aux fonctions de gouvernance.
Comme on le voit, rien ne sert de forcer ses capacités techniques comme on le pense mais il est essentiel de rassurer son entourage, par ses qualités humaines et stratégiques. Voici de bons conseils pour réussir, même dans d’autres contextes professionnels !
Une tribune publiée sur The Conversation