Une tribune de Sébastien Tran, directeur de l’EMLV, initialement publiée dans The Conversation.
Le terme robot a été inventé dans les années 1920 par l’auteur de science-fiction Karel Capek et désigne dans le langage courant une machine ou un automate capables de réaliser des actions en fonction d’un programme.
La robotique, quant à elle, regroupe l’ensemble des techniques qui permettent la conception et la réalisation de machines automatiques ou de robots. Elle est très répandue dans les domaines industriel, médical, militaire ou du transport.
La médiatisation des robots est devenue croissante depuis plusieurs années. En 2017, le robot humanoïde Sophia obtient la nationalité saoudienne et suscite une vague d’interrogations sur la reconnaissance à accorder aux robots. Les vidéos des robots de la société américaine Boston Dynamics ont fait le tour du Web. En 2016, près de 294 000 robots industriels ont été vendus dans le monde (fédération internationale de la bureautique), soit une croissance de 16 % par rapport à l’année précédente.
Le cabinet BCG estime quant à lui que ce marché des robots (y compris les robots domestiques) représentera 73 milliards d’euros en 2025. Les robots deviennent de plus en plus sophistiqués et de plus en plus connectés et leur coût de production ne cesse de diminuer avec les progrès technologiques et les économies d’échelle.
Des robots de plus en plus présents dans notre environnement quotidien
Les robots ont fait leur apparition et se sont beaucoup répandus au départ dans les secteurs industriels comme l’automobile, l’aéronautique, la logistique, etc. On assiste depuis quelques années au développement de la cobotique (qui est le néologisme de cooperative robotics) qui consiste à faire en sorte que la machine aide l’homme dans ses tâches, sans se substituer à lui et en tenant compte de sa présence. L’apport de l’intelligence artificielle et notamment du machine learning ont permis de mieux positionner les robots en tant que ressource complémentaire à l’homme. La robotique s’est surtout développée dans l’industrie avec des acteurs comme Safran ou Airbus.
Mais les robots ont commencé aussi depuis peu à envahir la sphère privée, et pas seulement pour faire des tâches ménagères comme aspirer la poussière ! Ils deviennent des agents conversationnels dans de nombreux contextes différents. Le but est de rendre l’interaction entre les robots et les hommes plus spontanée et naturelle bien que cela ne soit que de la simulation d’empathie. De plus en plus de robots de service à la personne ont été développés ces dernières années et sont utilisés dans des domaines tels que la santé, l’éducation, le commerce, etc. Par exemple, on peut trouver dans certains hôpitaux des peluches robots en forme de bébé phoque pour se substituer aux animaux de compagnie afin de réduire l’anxiété des patients. Néanmoins, ces robots n’interagissent avec les humains que dans des environnements contrôlés et des situations simples pour lesquels ils ont été programmés.
Les robots seront-ils à l’homme ce que sont les doudous pour les enfants ?
L’une des problématiques à traiter sera aussi comment considérer les robots à partir du moment où l’interaction sera semblable à celle que nous entretenons entre humains ? Les robots seront de plus en plus en capacité d’entrer en « résonnance émotionnelle » avec nous et de transformer dès lors nos expériences affectives. On pourrait même jusqu’à observer des phénomènes d’animisme, à savoir la projection d’une « âme » dans les robots.
Ce phénomène pourrait s’amplifier avec la forme physique que peuvent prendre les robots et les expérimentations de création de robots à forme humanoïde (le robot présente une similitude fonctionnelle avec l’homme) ou géminoïde (le robot est à l’effigie de l’homme).
Des expériences ont montré qu’un humain qui interagit avec un robot passe autant de temps à le regarder dans les yeux que s’il avait en face de lui une autre personne. Selon le psychiatre et chercheur Serge Tisseron, il existe un risque que certaines entreprises cherchent à développer des robots qui encourageront leurs propriétaires à créer des liens affectifs forts pour nous être agréables, ce qui n’est pas sans danger (par exemple comment réagirait-on au changement du robot si l’on s’est attaché à lui ? Comment protéger les données personnelles en présence d’un robot compagnon qui aura plus de facilités à accéder à la vie privée de son propriétaire ?).
Cette forme de socialisation avec les robots pourrait aussi contribuer à remettre en cause les manières d’interagir entre les individus (les interactions avec les robots peuvent-ils nous rendre moins tolérant aux relations interpersonnelles ? Ces interactions avec les robots peuvent-elles transformer la manière dont la confiance se construit entre les hommes ?).
La simulation d’émotions humaines pourrait même aboutir à une forme de dissonance cognitive chez les individus. Ce risque doit être pris en compte et la société doit réfléchir à des actions de prévention si les robots sont en interaction avec des personnes fragiles. On pourrait alors imaginer des tests d’empathie homme-machine similaire à l’expérimentation menée par l’informaticien Joseph Wizenbaum auprès de ses étudiants avec son programme Eliza qui visait à reformuler sous forme de questions ce que disait l’interlocuteur.
Le challenge est donc de concevoir une société où cohabiterons des robots et des hommes et à penser les types d’interaction possibles tout en anticipant les comportements à risques. Des organismes tels que l’Institut pour l’étude des relations hommes-robots peuvent alimenter notre réflexion et nous amener à imaginer ce que notre société devra mettre en œuvre pour que les robots trouvent une place adéquate selon les contextes sociaux. Il ne faut pas aussi oublier que derrière les robots, et cela quelle que soit leur forme, il subsiste la responsabilité des programmeurs et de leur conception du comportement des robots.
Plus d’infos ? Retrouvez les coordonnées de Sébastien Tran, directeur de l’EMLV, et l’actualité du Devinci Research Center Business Group.