Une tribune de Marcos Lima, responsable du Département Marketing, Management et Entreprendre et professeur associé à l’EMLV, initialement publiée dans Le Monde des Grandes Écoles.
Une des choses que l’on apprend dans mon cours d’innovation de première année à l’EMLV est le fait qu’innover n’est pas seulement changer le « quoi » ou le « qui », mais surtout le « comment ». En innovation pédagogique, le processus est aussi important que les solutions technologiques. La façon dont nous avons organisé ce cours autour d’un « Massive Open Online Course » (MOOC) en utilisant la classe inversée et des outils d’accompagnement d’apprentissage en est un exemple.
Le terme « MOOC » et les principes de son fonctionnement ont été proposés en 2008 dans le cadre du « Mouvement pour les Ressources Educationnelles Ouvertes ». Pendant la dernière décennie, plusieurs grandes universités ont adopté cette approche de diffusion de contenu pédagogique par internet, comme Stanford, MIT et HEC. En 2013, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lançait le portail France Université Numérique – FUN pour stimuler la création et diffusion de MOOCs en français.
Nous avons décidé d’adopter le FUN MOOC « Innovation et Société » en 2016 et « Création d’une Entreprise Innovante » en 2017 comme colonne vertébrale de notre stratégie de « classe inversée » en première année à l’EMLV. Après avoir suivi des cours en ligne chez lui, l’étudiant s’attelle aux exercices en mode projet pendant le cours. Il s’avère que la combinaison des MOOCs avec ce concept de classe inversée corrige les faiblesses des deux approches : une des faiblesses du MOOC réside dans le manque d’accompagnement et un contexte collectif d’application des contenus ; un des challenges de la classe inversée est de trouver du contenu engageant pour l’apprentissage individuel à distance. Voici comment, dans notre processus, nous avons combiné plusieurs solutions pour une expérience d’apprentissage engageante, collaborative et efficace.
Le Meilleur des Deux Mondes
Dès notre premier rendez-vous, les étudiants doivent constituer des groupes et concevoir une idée de startup. Tous les outils d’innovation dévoilés dans le MOOC (Business Model Canvas, Business Plan) doivent être appliqués à leur entreprise fictive chaque semaine. La semaine suivante, le cours démarre par un quizz basé sur le contenu du MOOC utilisant une plateforme de vérification d’apprentissage (dans notre cas, nous avons utilisé Socrative.com, mais d’autres solutions «paperless » plus ludiques comme Kahoot.com sont également adaptées aux smartphones, tablettes et ordinateurs de nos étudiants connectés). Avec la correction instantanée de l’outil, nous pouvons identifier en temps réel quels contenus de la session du MOOC ont posé le plus de problèmes et discuter avec les étudiants afin d’identifier pourquoi plusieurs d’entre eux se sont trompés pendant le quizz.
A l’issue de la discussion sur le quizz, j’utilise la « Roue de la Fortune » pour choisir aléatoirement un ou deux groupes qui doivent présenter à leurs camarades un état des lieux de leurs projets. Cette présentation fait l’objet d’une « notation négative » : si le groupe, choisi par hasard, est prêt à partager ce qu’ils ont appris durant la dernière semaine ils ne gagnent rien d’autre que mes félicitations, mais s’ils répondent « désolé, nous n’avons pas eu le temps de travailler » ils reçoivent un point négatif sur leur moyenne. Je peux vous assurer qu’une fois les règles bien comprises par les étudiants, très peu d’entre eux prennent ce risque.
Après avoir commenté les forces et faiblesses des contenus des présentations des « volontaires » qui ont partagé leur savoir-faire, nous passons en mode collaboratif. Les étudiants doivent se mettre en groupes pour faire évoluer leurs projets de start-up à partir de nos discussions sur les outils appliqués.
Ce processus de classe inversée soutenu par un MOOC a plusieurs avantages par rapport à un cours traditionnel :
a) les étudiants sont transformés (dès la première année !) grâce au MOOC en acteurs de leur propre apprentissage
b) plutôt que d’être confrontés à des slides conceptuels, ils ont un contexte réel d’application des outils en mode projet
c) ils sont accompagnés de façon hebdomadaire dans le développement de leur projet, plutôt que d’attendre la fin du cours pour préparer une synthèse finale.
Voilà une synthèse d’un processus novateur qui crée de la valeur non pas pour son contenu technologique (très faible finalement), mais grâce à un ensemble de méthodes de construction collaborative de la connaissance.