Une tribune et des exemples concrets, par Laure Bertrand, Directrice des Soft Skills et Services Pédagogiques Transverses du Pôle Léonard de Vinci, pour la Conférence des Grandes Ecoles.
L’année 2018-2019 marque une étape nouvelle décisive dans la lutte contre le réchauffement climatique : celle de l’engagement massif de la jeunesse.
Certes, certains étudiants sont mobilisés par les questions environnementales depuis déjà un moment. Par exemple, Le REFEDD, Réseau Français des Etudiants pour le Développement Durable, anime chaque année depuis 2015 « la semaine étudiante du Développement Durable », qui a lieu dans toute la France. Néanmoins, 2018-2019 représente un véritable tournant, une prise de conscience générationnelle.
Août 2018, la jeune suédoise Greta Thunberg, âgée de 15 ans, lance un mouvement de « grève de l’école pour le Climat», tous les vendredis, pour protester contre l’inaction face au changement climatique. D’abord seule, Greta est rapidement suivie par des dizaines de milliers de jeunes lycéens. Les « Fridays for Future », se multiplient dans le monde.
Octobre 2018 : des étudiants de Grandes écoles françaises lancent sur le Web un « Manifeste étudiant pour un réveil écologique », signé à ce jour par près de 31.000 étudiants. Les rédacteurs évoquent les risques de catastrophes sociales et environnementales et rappellent l’urgence absolue de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils incitent leurs futurs employeurs, et les directions de leurs écoles, à prendre en compte ces défis.
Le samedi 16 mars voit la « marche du siècle pour le climat », une grande journée internationale de mobilisation contre le réchauffement climatique. 350.000 personnes manifestent en France, dont beaucoup de jeunes, qui défilent avec enthousiasme. La veille, la grève scolaire pour le climat a rassemblé 168.000 lycéens et étudiants en France, et plus d’un million dans le monde.
Cela fait déjà quelques années que les acteurs de l’Enseignement Supérieur intègrent les enjeux globaux du Développement Durable et de la Responsabilité Sociétale.
L’État, lors du Grenelle de l’Environnement de 2009, demande à chaque établissement de s’engager dans une démarche DD.
La Conférence des grandes écoles et la Conférence des Présidents d’Universités sont pleinement engagées dans le déploiement de ces « Plans Verts » de l’enseignement supérieur.
Les organismes d’accréditation, Commission des Titres d’Ingénieur et institutions internationales des Business Schools, intègrent désormais ces nouveaux défis parmi les critères d’habilitation des écoles.
Enfin, un certain nombre d’établissements ont déjà entamé des transformations de leurs cursus de formation. En juin 2019, Denis Guibard, directeur de l’Institut Mines-Telecom Business School et président de la Commission DD-RS de la CGE, recense les principales innovations pédagogiques en cours actuellement dans les Grandes écoles sur les sujets liés globalement au DD.
Néanmoins, ces actions ne suffisent pas, par rapport aux enjeux climatiques : deux limites fortes sont mises en évidence
Tout d’abord, sur la question climatique, l’offre de formations en France est encore trop limitée, malgré la forte demande des étudiants et lycéens.
En mars 2019, le Think Tank « The Shift Project », qui œuvre pour une économie décarbonée, publie un état des lieux des formations DD spécifiquement dédiées au thème Climat-Energie, dispensées aujourd’hui dans l’enseignement supérieur). Ce rapport met en évidence l’insuffisance de la formation des étudiants à cet enjeu. Seulement 25% des programmes post-bac traitent des sujets climatiques, seulement 11% le font de façon obligatoire, enfin le traitement de ces sujets est très hétérogène d’un établissement à un autre.
Ensuite, quand ces questions sont abordées, cela reste encore trop souvent fait en parallèle des enseignements fondamentaux.
En juin 2019, André Sobczak, directeur académique et titulaire de la chaire RSE de l’Ecole Supérieure de Commerce Audencia, signe un article engagé sur le site The Conversation. Le titre affiche la couleur : « Pour des écoles de commerce adaptées à la génération Climat ».
L’auteur affirme en effet que les programmes des écoles doivent être refondus en profondeur. Les initiatives actuelles des formations DD-RSE-Climat ne remettent pas suffisamment en cause les fondements des modèles économiques dominants.
Or, « face à la crise climatique, une approche plus disruptive est indispensable ». Il faut « mette la transition écologique au cœur des modèles théoriques enseignés », dans chaque discipline.
Inclure les enjeux climatiques dans les formations : retour d’expérience du Pôle Léonard de Vinci.
Le Pôle Léonard de Vinci a choisi de rendre ces formations obligatoires et notées, dès la première année d’études, pour tous les étudiants de ses trois écoles : ESILV, EMLV et IIM.
Faire comprendre aux étudiants les causes et les conséquences du dérèglement climatique
L’atelier « fresque du Climat » est obligatoire, depuis 2018, pour tous les étudiants A1 (1200 étudiants en moyenne)
Permettre aux étudiants d’appréhender les solutions existantes et à venir et de se sentir pleinement acteurs des changements nécessaires.
Ces enjeux sont abordés sous forme de semaines -projet en mode hackathon : 5 jours pour trouver en équipe une solution innovante :Semaine Climat en 2018 ; Semaine Frugalité en 2019
Amener les étudiants à comprendre la dimension transversale de ces enjeux
Le travail est mené en équipe-projet multidisciplinaire, mêlant étudiants des 3 formations : ingénieurs, managers et spécialistes du Digital
A propos de Laure Bertrand
Docteur en Sciences de Gestion (Ressources Humaines) – Directrice des Soft Skills et Services Pédagogiques Transverses du Pôle Léonard de Vinci (EMLV, ESILV, IIM). Laure Bertrand a une double expérience des écoles d’ingénieurs et de management. Avant d’intégrer le Pôle Léonard de Vinci, elle a passé 12 ans à TBS, et 7 ans à l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan.