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Pourquoi les écoles de commerces doivent-elles enseigner l’Intelligence Artificielle ?

Peter Saba, responsable de la spécialisation Management des systèmes d’information et des data questionne, dans une tribune publiée dans le Journal du Net, la légitimité des écoles de management françaises à enseigner l’Intelligence Artificielle. En adaptant leur enseignement, et sans concurrencer les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce françaises se doivent d’apprendre aux étudiants à intégrer l’IA dans leurs futurs métiers.

Ces écoles ont une belle opportunité à saisir, sans toutefois donner l’impression de concurrencer les écoles d’ingénieur, en préparant les étudiants aux défis sociétaux et managériaux que l’IA implique.

Les écoles de commerce françaises, sur les pas de leurs consoeurs américaines et canadiennes

De SKEMA à l’EM Lyon, de l’ESSEC à l’EMLV, de plus en plus d’écoles de commerce françaises ouvrent des spécialités et des laboratoires d’Intelligence Artificielle (IA), à l’image de leurs homologues à l’international, et notamment aux États-Unis et au Canada. Dès lors, on pourrait questionner leur légitimité.

Pourtant, alors que la transformation digitale connait une accélération inédite, la question serait plutôt de savoir quand l’ensemble des business schools comprendront enfin que la recherche et l’enseignement de cette matière leur est désormais indispensable. Car, autrement dit : pourquoi ne seraient-elles pas légitimes à le faire, alors que le monde de l’entreprise est le premier concerné par l’IA ?

Dans la tech, l’algorithme n’est pas la seule clé du succès. Derrière, et en amont de l’innovation technologique, il y a un modèle économique. Les banques, les assurances, le e-commerce : tous, absolument tous, se baseront sur l’IA, si ce n’est déjà pas le cas. Dans ces entreprises, ingénieurs et commerciaux ne travaillent pas – ou ne sont pas censés travailler – sur des planètes différentes. C’est le développement d’algorithmes pertinents avec le marché qui va déterminer la réussite d’un projet commercial.

Or, pour cela, les managers commerciaux ont besoin de comprendre comment fonctionne l’IA, afin d’adapter leurs demandes et de communiquer de la façon la plus efficace possible avec les développeurs du produit. En clair, les entreprises ont besoin de savoir quel type de problème l’intelligence artificielle est capable de résoudre.

C’est ce qu’ont compris les plus grandes Business Schools au monde, en décidant d’adapter leur enseignement. Ainsi, à Harvard, les étudiants en MBA sont désormais formés aux bases de l’IA.

Dans un article du Mba.com, le professeur en administration des entreprises David B. Yoffie souligne : « Si vous voulez entrer dans le domaine des voitures autonomes, vous devez comprendre ce que le Machine Learning et les différentes IA sont capables de faire ».

Mais attention : les écoles de commerce ne sont pas là pour former des ingénieurs bis, ou au rabais. « Il est important que les étudiants apprennent à manager efficacement les ingénieurs, précise le professeur, et non pas qu’ils se substituent à eux ».

Écoles de commerce et d’ingénieurs, deux formations à l’IA complètement différentes

Les entreprises sont les véritables laboratoires des écoles de commerce. Alors pourquoi a-t-on l’impression que les écoles de commerce françaises sont à la traîne dans le secteur de l’IA ? Peut-être, tout simplement, car elles se perçoivent comme illégitimes dans ce domaine, en se comparant aux écoles d’ingénieurs.

Pourtant, si la matière de base est la même, il s’agit bien de formations complètement différentes. C’est donc les approches qui divergent, tout en complémentarité, comme les deux faces d’une pièce : elles sont à la fois dos à dos et inséparables.

Selon une récente étude de l’OPIEEC (Observatoire Paritaire des Métiers de l’Informatique, de l’Ingénierie, des Études et du Conseil), les entreprises gagneront en productivité grâce à l’IA si et seulement si le modèle organisationnel est reconsidéré. La technologie et le management devront être abordés avec le bon équilibre afin de tirer le plus de bénéfice de l’IA.

Pour autant, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, autant pour les entreprises que pour les écoles de commerce.

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Ainsi, selon une enquête du MIT Sloan Management Review et du Boston Consulting Group publiée en octobre 2019, les entreprises considèrent l’IA comme une « chose technologique », semblable à un produit, plutôt qu’à un modèle économique, et donc ne parviennent pas à en obtenir des résultats financiers.

Autrement dit, les entreprises ne voient toujours pas comment celle-ci pouvait être utile à leur business. Pire encore, une start-up européenne sur cinq spécialisée dans l’IA n’utilise aucun moteur d’IA dans ses produits, selon un rapport publié par la société d’investissement londonienne MMC Ventures. Ces entreprises font appel uniquement au Machine Learning (l’apprentissage automatique), alors que les possibilités de l’IA sont bien plus vastes. En effet, si le Machine Learning permet les machines d’apprendre de nouvelles choses grâce aux data, l’IA serait la prise de décision autonome faite par les machines.

Ces entreprises qui revendiquent l’usage de l’IA ont peut-être également recours au Big Data, soit le traitement d’une quantité massive de données pour en tirer des conclusions sur le passé mais aussi sur le futur des entreprises.

Le Big Data est une facette de l’IA, où l’humain entre pleinement en jeu, puisque c’est lui qui prend la décision finale, sur la base de l’analyse systématique d’une énorme quantité de données. Là encore, c’est un enjeu crucial pour les entreprises.

Savoir placer l’humain au centre des technologies

Par conséquent, l’humain compte encore dans l’équation – et c’est là où les écoles de commerces ont une belle opportunité à saisir. L’IA, le Machine Learning et d’autres technologies émergentes, sont essentiels pour aider les entreprises à avoir une vue plus globale de toutes leurs données, en leur fournissant un moyen d’établir des connexions entre des ensembles de données clés.

Pensez-y de cette façon : dans quelle mesure feriez-vous confiance à un cartographe qui a terminé ses études de cartographe/topographe sans comprendre comment les outils informatiques du type SIG (Systèmes d’Information Géographique) assistent dans la traduction des activités humaines en cartes, histogrammes, images et schémas divers ?

De même, une personne qui termine ses études de commerce se doit de comprendre comment les systèmes d’information, les technologies d’information et les datas plus spécifiquement, assistent les managers pour une meilleure prise de décision.

Par conséquent, sans vouloir former les étudiants d’écoles de commerce aux sciences de l’ingénieur, ces écoles doivent les préparer aux défis digitaux auxquels ils seront confrontés.

Cela pourrait signifier que, par exemple, dans les cours de finances et de comptabilité, les étudiants apprennent également à réimaginer leur métier en imaginant et en créant des modèles d’apprentissage automatique que les ingénieurs savent très bien concrétiser par la suite.

Cela permettra aux futurs managers comptables et analystes financiers de se concentrer davantage sur ce qu’ils doivent faire en premier lieu en se focalisant sur le cœur de leur activité : la prise de décision.

L’objectif des spécialisations en IA dans les écoles de commerces doit être clair. Certes, de nombreuses écoles proposent déjà une approche de l’IA. Mais celle-ci est à réinventer, et il est primordial que cet enseignement se consolide. En se basant sur des cursus de management des systèmes d’information standards, voici une liste non-exhaustive de conseils qui feront la différence en termes de spécialisation en Intelligence Artificielle :

  1. Les cursus doivent se focaliser sur la découverte des capacités et des applications actuelles de l’IA – et son potentiel futur dans un métier précis selon la spécialité de base des étudiants, par exemple, la finance ou bien les RH. Cela pourra être fait à travers des mises en situations professionnelles et des études de cas. Autre point : enseigner aux étudiants l’organisation et la gestion des projets en IA. Quid des méthodes de gestion de projets traditionnelles ? Faut-il les réinventer ? Et comment ?
  2. Ensuite, il s’agit de faire comprendre le juste nécessaire des fondements techniques de l’IA pour communiquer efficacement avec les équipes techniques et les collègues (acquérir des notions d’informatique – Python, Anaconda, Jupyterlab, etc.) et s’initier aux sciences des données ainsi que d’apprendre à mettre en œuvre des solutions basées sur l’IA/
  3. Enfin, il faut apprendre aux étudiants à anticiper et gérer les « pièges » et les défis associés à ces nouvelles technologies, notamment sociaux comme la résistance au changement. En outre, alors que le champ des possibles apparaît de plus en plus large, l’approche de l’IA va devoir s’accompagner de toujours plus d’éthique. La satisfaction du marché ou de l’industrie ne peut être le seul objectif, surtout si cela remet en cause des fondements humains, ou tout simplement les postes de milliers voire de millions de salariés. C’est une donnée que les écoles de commerce auront inévitablement à intégrer dans leur enseignement.

Pour en savoir plus sur la spécialisation Management des systèmes d’information et des data à l’EMLV, École de Management Léonard de Vinci.

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