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Qu’est-ce que le FOMO ? Une tribune de Hajer Kefi sur FNEGE Médias

Plusieurs blogs et sites Web axés sur le marketing des réseaux sociaux suggèrent que, pour les marques possédant un compte Instagram, il peut être profitable de cultiver l’anxiété de ratage du contenu éphémère, également connue sous le nom de FOMO. Dans cet article, Hajer Kefi, enseignante-chercheuse à l’EMLV, montre que le caractère éphémère du contenu déclenche le FOMO chez les followers, ce qui influe positivement sur l’engagement, mais engendre également de la lassitude envers le compte de la marque.

Hajer Kefi explore les résultats d’une enquête en ligne réalisée auprès de 550 followers de comptes Instagram de différentes marques et sur une expérience basée sur des scénarios impliquant 535 participants.

Comment le FOMO ou Fear of missing out agit sur les utilisateurs d’internet ?

Avec l’intensification de l’utilisation d’Internet, un phénomène connu sous l’acronyme anglophone de FOMO gagne du terrain et s’amplifie. FOMO ou Fear of missing out se traduit littéralement en français par la peur de manquer ou de rater. On parle également de l’angoisse d’exclusion qui correspond à une forme d’appréhension omniprésente que d’autres pourraient vivre des expériences enrichissantes dont on serait exclus.

On sait en effet qu’en France, le temps de connexion à Internet est en moyenne de 02h18 par jour, dont 52 minutes passées en moyenne sur les réseaux sociaux numériques. Ce temps est de 02h19 pour les 15-24 ans sur un total de 04h00 environnement sur Internet par jour, selon une étude de Médiamétrie publiée en 2023.

Il s’agit ici de moyennes. Nous avons mené récemment une étude qualitative comprenant des entretiens de recherche auprès de 120 utilisateurs des réseaux sociaux en France. Parmi nos résultats, une forte dépendance est constatée auprès d’une catégorie d’utilisateurs avec des temps de connexion de 8 à 10 heures par jour.

Les liens entre FOMO et comportements addictifs à l’outil matériel de connexion

Depuis une dizaine d’années, la recherche en cyberpsychologie s’est intéressée à ce phénomène quand on étudie l’état de l’art dans ce domaine, notamment avec une étude bibliométrique.

Les auteurs ont donc identifié les facteurs motivationnels, émotionnels et comportementaux qui y sont liés. De nombreux travaux ont démontré les liens entre FOMO et comportements addictifs ou dépendants à l’outil matériel de connexion, à savoir le smartphone.
Des troubles de l’attention, du sommeil, une baisse de performances scolaires qui peuvent être relevés chez les jeunes utilisateurs, notamment les adolescents.

Des travaux plus récents ont pointé du doigt les liens très significatifs entre FOMO et l’usage intensif des réseaux sociaux numériques, car ces derniers cultivent certaines gratifications, notamment le besoin de rester connecté à sa communauté, observer la vie des autres, la comparer à la sienne, ruminer des sentiments de regret, d’envie : tout cela pouvant affecter la santé mentale de certains utilisateurs chez qui des états anxieux, voire même dépressifs peuvent être observés.

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L’importance de la déconnexion

Pour remédier à tout cela, on recommande la déconnexion. Certains vont jusqu’à faire la promotion de la joie de rater ou avec le concept opposé du JOMO : joy of missing out.

En revanche, il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours aisé de se défaire du FOMO, comme tout autre syndrome impliquant des formes de dépendance ou d’addiction. Cela peut s’expliquer par l’hypothèse dite de l’usage compensatoire d’Internet ou encore par le modèle IPace interaction personne affecte cognition exécution.

Les deux permettent de comprendre le lien récursif entre FOMO et dépendance au numérique. On constate également que les professionnels des réseaux sociaux numériques et les praticiens du marketing digital ont tendance à instrumentaliser le FOMO pour cultiver l’engagement des utilisateurs, le rattachement et la fidélité à la marque et à promouvoir l’intention d’achat.

Les techniques utilisées comprennent les offres à durée illimitée, l’affichage de stock faible et tout ce qui permet d’accentuer la perception de rareté, d’exclusivité ou d’urgence chez les utilisateurs.

L’effet FOMO une arme à double tranchant

Mais quelle est l’efficacité de ce procédé ? La situation dans un travail publié récemment, en mai 2023, dans la revue Recherche et Applications en Marketing, mes collègues et moi-même, démontrons grâce à une série d’expérimentations en utilisant la théorie des usagers et des gratifications, que l’effet FOMO des publications éphémères sur le réseau social numérique Instagram est une arme à double tranchant et que la peur persistante de rater des contenus promotionnels de courte durée augmente mécaniquement l’engagement envers la marque, mais cultive en même temps un sentiment de lassitude ou de fatigue, qui affectent négativement l’attitude envers la marque.

Outre la dimension éthique, qui soulève des procédés qui détournent un biais psychologique à des fins commerciales, leur efficacité est donc à questionner en raison du risque de mettre les consommateurs dans une relation avec des contenus et des produits qu’ils peuvent percevoir comme infantilisants, voire même trompeurs et malsains.

Pour en savoir plus sur les programmes de l’EMLV

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