D’une succès story tricolore au redressement judiciaire et à la revente. C’est le chemin de croix qu’a traversé Save – le sauveteur de smartphones – une start-up à la croissance digne de la Silicon Valley. Amaury Dumont, promo 2013, ex co-fondateur de Save my Smartphone, revient sur les déboires de l’hyper-croissance qui a fait le succès de Save, mais aussi son échec.
Vous vous souvenez de Save my Smartphone, la start-up qui promettait de réparer en moins de 20 minutes toutes les pannes de smartphones et tablettes iPhone et iPad compris ?
En à peine deux ans d’existence, Save c’était déjà 450 collaborateurs, un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros et 2 levées de fonds de 40 millions d’euros.
Dans le cadre de la semaine DeVinci Startup Week, l’EMLV recevait le 8 mars 2021, Amaury Dumont, promo 2013, aujourd’hui co-fondateur de Mikunaparis. Il nous raconte les coulisses de l’hypercroissance de Save, une aventure qu’il a vécue en tant que co-fondateur de la start-up devenue scale-up.
L’intervention d’Amaury Dumont, ex-partner de Save, dans le cadre de la Devinci Startup Week
J’ai fait la rencontre d’un associé qui est devenu mon futur associé : Damien Morin, qui venait de créer quelques mois auparavant « Save my smartphone » ( Sauvez mon smartphone). Il venait de lancer la boîte en février 2013 alors qu’il était étudiant en école de commerce, il faisait de la réparation informatique pour ce qu’on appelle plus communément ses « friends & family » et il avait de plus en plus de demandes de réparation de téléphones.
Il y avait de plus en plus de demandes et petit à petit il a dérivé sur la réparation smartphones. Vu que cela a pris une certaine ampleur, il a cherché un point de vente de réparation de téléphones, une première boutique, qui était dans le 17e, très proche de la Porte Maillot.
Nous avons lancé la première offre B2B chez Save my smartphone, parce qu’on était dans un quartier proche de La Défense, donc proche de bureaux. Nous avons eu des clients qui venaient directement dans la boutique et, au lieu de les faire venir avec une dizaine de devices dans la boutique, on se retrouvait réparer chez eux. Ils voulaient faire attention à tout ce qui est protection de données.
On a commencé par ouvrir des comptes pour Bolloré, pour Havas, pour Thales, où on réparait et on faisait la gestion de leur flotte de mobiles.
On lance le « B2B » à mon arrivée, en novembre-décembre 2013, on commence à avoir une vingtaine de comptes clients et on faisait en parallèle du B2B et du B2C .
Les clients payent à long terme, il faut les relancer sans arrêt… Par exemple, quand tu parles à « un » Bolloré ou à « un » Havas qui à 10 000 téléphones, le taux de réparation de ces mobiles potentiellement représente 10%, ce qui ne revient finalement pas à énormément de devices. Donc on considère très rapidement que le B2B ne va pas être un enjeu.
Notre idée de départ, était de reproduire en France les petits « corners » de réparation de téléphone qu’on avait vus à Dubaï et aux US. Ce n’était pas un coût énorme, d’ouvrir ces « corners » au milieu des centres commerciaux : à peu près entre 15 et 20 000 euros, donc on s’est dit que si cela fonctionnait, on pouvait rapidement dupliquer notre modèle.
La réparation, c’est quoi ? Tu déposes ton téléphone pendant que tu fais des courses et 20 minutes après tu le récupères et ton téléphone est réparé.
On ouvre notre premier « corner » en juillet 2014, et très rapidement s’en suivent ceux de Créteil Soleil, Belle Épine, et Val d’Europe. On se dit : si cela fonctionne sur ces 3 corners parisiens, on pourra « attaquer » la province.
À cette époque-là, on est en rouge en blanc, on nous prend un peu pour SFR ou pour un comptoir d’accueil ; nous sommes bien obligés d’expliquer ce qu’on fait et cela intéresse les clients. À ce moment-là, il y a 3 corners de réparation : 2 réparateurs à temps plein, 2 associés, c’est un peu du réseau. Le 4e associé, c’est un peu le « papa » de l’aventure : Cyril Montanari, qui venait du retail et qui était la personne clé. Il nous a appris à accélérer notre modèle. Entre juillet et décembre 2014 on tâtonne, on teste et on accélère un peu, mais ce n’est pas une flambée tout de suite.
On arrive à 10 « corners » fin 2014, avec une quarantaine de réparateurs. On leur a fait une formation de une à 2 semaines : ils étaient embauchés en CDI et ils faisaient partie de l’aventure.
Le marché était là, nous n’avions pas des masses d’investissement, à part les corners, mais on avait de bonnes relations avec les centres, qui nous permettaient de ne pas payer les loyers tout de suite, donc c’était le moment pour nous d’accélérer.
Entre début 2015 et septembre on accélère et on ouvre près de 70 magasins. Cela parait très compliqué, mais on a des exonérations de loyer au début et on a une team qui croit dans l’aventure. On prend les meilleurs centres, les meilleurs emplacements : face caisses, près de la sortie, près de l’entrée… Je ne me rends pas forcément qu’on accélère fort. Le plus enjeu, c’était le recrutement et on décide d’avancer par « patch » : par exemple, on lance les corners dans les centres de PACA, puis on attaque le nord de la France, le ouest, etc.
On passe beaucoup moins de temps sur les corners, parce qu’on a cette hypercroissance d’ouvrir 7-8 corners par mois. On fait la rencontre de 3 fonds d’investissement et on lève ces 15 millions d’euros qui nous permettent d’accélérer. »
On s’est rendu compte que cet ascenseur émotionnel on le vivrait une seule fois dans la vie. Si aujourd’hui, on faisait le même chemin, on le ferait moins vite. Si tu vas aussi vite, tu es voué à l’échec. Pour moi, c’est principalement de la résilience. L’échec, cela permet aussi de construire. Moi, sur ma nouvelle aventure, je n’ai pas levé de l’argent tout de suite, parce que je me suis dit qu’il fallait d’abord bien fixer le modèle avant de le dupliquer.
Je me suis dit que ce serait génial de recréer une boîte derrière, et que ma fibre entrepreneuriale n’avait pas changé. Aujourd’hui, je suis dans la restauration, mais cela m’a permis de capitaliser derrière. J’ai monté un concept de restauration rapide en mars 2018, qui s’appelle Mikuna. C’est le premier concept de « fast good » sud américain en France. »