Magasins virtuels dans The Sandbox, mode numérique sur Decentraland… Le métavers est désormais partie intégrante de la boîte à outils utilisée par de plus en plus de marques pour expérimenter de nouvelles interactions avec leurs clients et tenir le cap de l’innovation.
Mais entre batailles publicitaires et promesses d’un nouvel internet, quelles sont les chances réelles de cet univers virtuel (ou de ces univers virtuels) de se faire adopter par les acheteurs ? Comment gagner le pari de la confiance des consommateurs pour les inciter à investir ces espaces virtuels ? Dans une tribune parue sur Management & Data Science, Sébastien Tran, directeur de l’EMLV et directeur général du Pôle Léonard de Vinci, se penche sur quelques dilemmes et opportunités liés au(x) métavers.
Métavers : révolution industrielle ou chimère du monde digital ?
Le metaverse est perçu comme le nouvel eladorado par de nombreux acteurs de la Tech. Il ne se passe pas un jour sans articles concernant le metaverse qui est présenté comme une véritable révolution. Entre guerre de communication et peur d’être arrivé après la bataille, de nombreuses initiatives voient le jour dans de très nombreux secteurs :
- achat de terrains virtuels dans The Sandbox par Carrefour
- Metaverse Fashion Week sur Decentraland, etc.
Ces innovations donnent lieu à des projections de revenus et des transformation des usages significatives. Gartner estime que 25% des individus passeront 1h par jour dans le metaverse en 2026, Bloomberg estime que le metaverse pourrait générer 800 milliard de revenus en 2024, etc.
Faire confiance au(x) monde(s) virteul(s)
Le concept de monde virtuel existe depuis plusieurs années et de nombreuses initiatives ont déjà vu le jour sans succès tel que Second Life. Celui de Metaverse date de l’ouvrage de Neal Stephenson Snow Crash publié en 1992 et est incarné par le film de science-fiction Ready Player One sorti en 2018.
Sur un plan économique, et pour bien comprendre le potentiel du metaverse, il est nécessaire de comprendre que leur développement ne peut passer que par le support de deux technologies que sont les NFT et la blockchain (Malik et al., 2022 ; Peres et al., 2022).
Cela est particulièrement sensible dans certains secteurs tels que la mode, la culture ou l’art par exemple où les questions de propriété intellectuelle et transactionnelle sont essentielles pour les acheteurs (Belk et al., 2022).
La problématique principale tourne autour de la « confiance » des consommateurs dans un monde virtuel dont les caractéristiques diffèrent du monde physique et qui est le point de référence dans leur ancrage cognitif (de part le réseau de distribution, le type de contrat qui s’applique, la monnaie utilisée, la communication dans les media traditionnels, etc.).
Quelles transformations dans le métavers ?
Deux points d’attention sont à analyser. D’une part, la notion de propriété est très différente entre un monde virtuel et un monde physique avec de nombreuses questions qui sont encore à éclaircir (quelle juridiction s’applique en cas de contentieux ?
Comment le sentiment de propriété est-il impacté, voire atténué par le caractère intangible des biens dans le metaverse ? Quels sont les facteurs liés aux NFT qui vont jouer sur la perception d’authenticité des biens ? etc.).
D’autre part, la logique transactionnelle de la plupart des metaverses repose sur des crypto-monnaies (Bitcoin, Ethereum, etc.) qui jouent sur les construits de la confiance des consommateurs et leur propension à payer pour un bien déterminé (par exemple acheter un bien en Bitcoins ou en Dollars peut jouer sur la perception de la valeur et le risque associé).
Par ailleurs, malgré les exemples médiatiques et les projections que l’on peut lire dans la presse (le NFT le plus cher du monde a été vendu près de 92 millions de dollars pour une œuvre d’art), il subsiste également d’autres problématiques de différentes natures autour de cette innovation perçue comme une véritable révolution :
- La chaîne de valeur peut se trouver transformer avec des logiques de désintermédiation/réintermédiation comme on a pu le connaître au moment de l’essor du commerce électronique il y a quelques années (par exemple les NFT pourraient avoir comme impact de ne plus avoir besoin sur le marché de l’art de galeries, d’experts, d’agents, etc. mais de nouveaux acteurs de type « tiers de confiance » pourraient apparaître) ;
- La logique de plateforme et ses effets vertueux sont aussi challengés par le fait qu’il n’existe pas un metaverse mais des metaverses (Roblox, Decentraland, Fortnite, etc.), et donc potentiellement une concurrence inter-plateforme, avec des monnaies virtuelles qui diffèrent d’une plateforme à l’autre, ce qui peut induire des choix de la part des consommateurs sur la base de critères à identifier (possibilité de conversion des monnaies entre elles, taux de conversion avec des monnaies existantes comme le Linden indexé sur le dollar, etc.) ;
- Enfin, l’acceptabilité technologique et sociale d’environnement immersif en 3D est aussi une problématique pour le succès de ce type de plateforme, avec des coûts d’équipement qui restent encore élevés et des usages qui restent encore largement basés sur un affichage en 2D.